La violence de l'humain est-elle l'image
de la violence divine ?

Question :

Aujourd'hui, en priant je me suis rendu compte à quel point l'homme est destructeur. Pourtant on n'arrête pas de dire (et la Bible le dit) que nous sommes fait à l'image de Dieu. Qu'est-ce que cela veut dire ? L'image ne veut donc pas dire caractère profond de l'homme ?
Pourtant, Dieu a détruit Sodome et Gomorrhe, il a fait aussi en sorte de détruire tout être vivant avec le déluge ! Puis il a détruit les ennemis de son peuple. En écrivant cela je me rends compte que Dieu détruit plus les hommes (qui sont dans le plus grand péché) que sa création, alors que l'homme détruit l'un et l'autre pour s'enrichir.
Ce qui me pose question, c'est que nous avons en nous, ce côté destructeur (plus ou moins en grande échelle, pour certains) ! Alors est-ce que ce "trait de caractère" vient aussi de Dieu ? Puisque nous sommes fait à son image, ne transparaît-il pas en nous cette toute puissance de destruction de Dieu ? Qu'on utilise à mauvais escient puisqu'on l'utilise pour nous.

Laurence


Éléments de réponse :

Ces questions sont importantes pour notre foi et pour notre capacité à faire face à ce qui se passe dans le monde en étant cohérents et non pas en s’aveuglant dans une attitude religieuse déconnectée de la réalité (ce qui est la définition de la folie). Que l’humain soit destructeur est une de ces réalités à laquelle il faut faire face ! On ne peut pas y échapper : c'est trop évident dans ce monde.

La destruction de ce que Dieu a créé est d’ailleurs un péché qui manifeste le Péché (cf. http://bereenne-attitude.com/question-17/). Cette attitude destructrice, on la retrouve tout au long de l’Histoire en général, mais aussi tout au long de l’histoire biblique en particulier. Celle-ci commence avec Caïn qui tue son frère dans un texte qui est le premier de la Bible (dans l’ordre canonique, pas dans l’ordre chronologique) à utiliser le mot « péché » (Genèse 4,7).

Et pourtant, paradoxalement mais bibliquement, nous sommes créés à l’image de Dieu (Genèse 1,27 ; 9,6). Tout l’enjeu est donc de trouver la bonne interprétation de ce que cela veut dire.

Le plus important, je pense, est de bien comprendre que si nous sommes l’image, Dieu est l’original ! Si je regarde une photo de ma femme en son absence, cela me permet de me rappeler d’elle, de me rappeler des bons moments passés ensembles, mais cela ne remplace pas, absolument pas, sa présence réelle. Lorsqu’on regarde les humains, on peut se poser la question de leur origine. Non pas leur origine biologique, mais l’origine de leur pensée, leur(s) intelligence(s), leurs sentiments, leur créativité, et aussi l’origine de cet amour dont ils sont capables de faire preuve les uns pour les autres. La solidarité qu’on observe en tant de crise entre les gens est parfois sidérante de beauté !

Mais le problème surgit quand l’image se prend pour l’original.

Certes l’image peut se substituer à l’original dans certains cas. Mais si rares ! Ce n’est pas parce que nous « maitrisons » (grand mot peut-être exagéré) le nucléaire que nous avons créé les atomes. Ce n’est pas parce que nous sommes capables d’un peu d’amour que nous avons éradiqué la faim et la pauvreté dans le monde. Pire nous sommes capables de détruire ce que vous créons, mais aussi ce que Dieu a créé (pollution, réchauffement climatique, déboisement, pesticides… mais où s’arrête la liste ?). Pour s'enrichir comme le dit la question, mais aussi pour d'autres raisons comme le pouvoir, le confort, la vengeance, et bien d'autres.

Il est très intéressant de faire le lien entre le côté destructeur de l’homme et celui de Dieu dans la Bible. En effet, il est vrai que Dieu peut apparaître violent dans la Bible (cf. http://bereenne-attitude.com/question-19/ pour quelques exemples). Mais comme la question l’envisage, soit il s’agit d’une réalité, qu’il faut alors justifier (expliquer pourquoi Dieu se permet d’être violent… pour notre bien… pour le bien de ses élus… au détriment des non-croyants…), soit il s’agit d’une incompréhension de qui est Dieu.

Si on suit l’argumentation de Jésus puis de Paul et des évangélistes, la vraie révélation de la personnalité de Dieu se trouve en Jésus (Jean 1,18) et en particulier en Jésus crucifié et ressuscité (1Corinthiens 1,18-25 ; 2,2-5 ; 15,12-19). Jésus est la vraie image de Dieu, parfaite, capable de nous permettre de comprendre tout ce qu’un homme peut comprendre de Dieu (l’ensemble de l’évangile de Jean témoigne de cette idée).

Dans cette logique, tout passage qui ne correspond pas à la révélation de Dieu sur la Croix correspond alors à un artefact de lecture de la Bible. Cette altération de la compréhension de Dieu vient de ce qu’on ne comprend pas pourquoi dans la Bible Dieu peut apparaître violent alors que sur la croix il est celui qui subit la violence. Or Dieu ne change pas. Il a toujours été, et sera toujours ce qu’il montre en Jésus-Christ (Hébreux 13,8). Mais il accepte d’apparaître violent (ce qu’il n’est pas) dans des textes inspirés, parce que cela permet un progrès dans la compréhension de qui il est à l’ époque de la réaction du texte (le progrès ultime et définitif se trouvant en Christ). C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de connaître le contexte du proche orient ancien (POA) quand on lit l’Ancien testament ou le contexte de la Palestine au 1er siècle quand on lit le Nouveau Testament.

Pour résumer, Dieu apparaît violent sous la plume de l’auteur Biblique, mais il ne l’est pas. Telle ou telle situation a été comprise par l’auteur comme venant d’une violence divine quand dans la réalité ce n’est pas le cas. Mais Dieu accepte d’avoir le mauvais rôle : comme sur la Croix !

Donc la réponse à la question de savoir si nous sommes violent parce que nous sommes à l’image d’un Dieu violent est négative. Elle est légitime, car si Dieu est notre créateur, qu'il est violent on peut alors se dire que nous sommes violents car nous sommes à l'image de notre créateur. Mais il faut ses rendre à l’évidence : ça ne colle pas avec Jésus. La meilleure preuve c’est que le sang de Jésus est versé sur la croix, non pas pour être vengé, mais pour être donné comme signe d’Alliance ! (Luc 22,20).

La réalité correspond donc plutôt à l’inverse : Dieu semble violent parce que ceux qui le décrivent dans la Bible vivent dans un milieu violent et projettent sur lui ce que nous sommes (on appelle ça un anthropomorphisme, comme quand les auteurs bibliques parlent des mains de Dieu, du nez de Dieu, des yeux de Dieu...). Et pourtant les auteurs bibliques sont bel et bien inspirés (2Timothée 3,16) car ils ont souvent des intuitions qui sont confirmées en Jésus-Christ (on appelle cela des prophéties messianiques). Mais inspiré ne veut pas dire dicté par Dieu. Ce sont bel et bien des écrits humains qu'on peut analyser comme tels. La Bible est une réflexion sur Dieu qui avance petit à petit (1Pierre 1,10-11). Cette réflexion progresse de siècles en siècles jusqu'à Jésus qui récapitule tout.

Pour reprendre l’exemple dans la question, si nous lisons Genèse 19,30 avec Jésus à l’esprit (ou avec l’Esprit de Jésus - cf. Matthieu 18,22) on peut se poser deux questions :

1/ pourquoi l’auteur de ce verset pense-t-il que Sodome et Gomorrhe sont détruites par Dieu si ce n’est pas le cas ? La réponse est : parce que dans sa culture, tout ce qui arrive d’extra-ordinaire vient de Dieu (même le mal).

2/ si ce n’est pas Dieu qui fait pleuvoir le souffre et le feu sur Sodome et Gomorrhe, qui est-ce donc ? On pourrait répondre Satan. Mais cela nous conduirait à poser encore beaucoup d’autres questions. La réponse est plutôt à rechercher dans le dialogue entre Abraham et Dieu en Genèse 18 : il n’y a pas même dix justes dans la ville ! Ce qui n’exclue pas qu’il y en ait neuf quand même, mais le texte s’arrête à dix. Ainsi, si la ville est dans le malheur, c’est parce qu’elle pratique ce qui est mal et que ce manque de sagesse lui retombe dessus. Ce n’est finalement pas Dieu qui punit ces deux villes. C’est elles-mêmes qui se punissent toutes seules. Mais dans la culture du POA, il était impensable que ce ne soit pas un châtiment divin.

Nous sommes bénis de connaître Jésus-Christ et la révélation complète de Dieu (Luc 10,23-24) pour ne plus nous sentir indignes devant Dieu. Jésus lui-même peut se mettre en colère, mais sa colère n’est pas une défense. Elle est une dénonciation qui prend toute sa dimension par son attitude sur la croix où Jésus révèle au grand jour notre violence et donc notre culpabilité (cf. le second malfaiteur crucifié avec Jésus - Luc 23,41). Si la croix en dévoilant notre péché semble nous condamner, à travers elle Dieu réhabilite ceux qui s’approchent de lui. Mais il ne court pas au secours de ceux qui ne demandent pas d’aide (ou qui demandent une aide centrée sur eux-mêmes - cf. le premier malfaiteur crucifié avec Jésus - Luc 23,39). Mais il ne les détruit pas non plus, ils s’en chargeront eux-mêmes, car le péché en réalité contient sa punition (sa conséquence) en lui-même1, la pire étant d’être séparés de Dieu. Jésus nous montre que Dieu est un sauveur, pas un sauveteur. Nous ferions bien de nous inspirer de cette image parfaite de Dieu qu’est Jésus.


Note

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