Luc 9,49-50 - Faut-il empêcher de chasser des démons ?

Question : Je viens de lire Luc 9,49-50 ou les disciples empêchent un homme, qui ne suit pas Jésus de prêcher la Bonne Nouvelle. Pourquoi Jésus leur dit-il de ne pas empêcher le "faux disciple" de prêcher ? Il peut très bien raconter n'importe quoi ! Je me dis que les "faux disciple/doctrine" (je ne sais pas comment les appeler) peuvent être une façon de préparer les gens spirituellement et leur montrer la vraie puissance de Dieu mais je voudrais savoir si il y a d'autres raisons ? Tu en penses quoi ? -

Arthur

Luc 9,49-50

Prenant la parole, Jean lui dit : "Maître, nous avons vu quelqu'un qui chassait les démons en ton nom et nous avons cherché à l'empêcher, parce qu'il ne te suit pas avec nous." Mais Jésus dit : "Ne l'empêchez pas, car celui qui n'est pas contre vous est pour vous." (TOB)

D'abord l'homme que les disciples ont vu ne prêche pas. Il chasse des démons ce qui est différent, et important aussi car au verset 40 du même chapitre les disciples qui eux suivent Jésus n'ont pas réussi à le faire (mais ils avaient réussi au début du chapitre).

Ce que montre ce passage c'est que ce qui est important n'est pas celui qui fait des grandes choses (comme chasser des démons), mais celui par le nom de qui sont faites ces choses : c'est par le nom de Jésus que les démons sont chassés. Peu importe le messager, ce qui compte c'est le message. Ça pousse à l'humilité.

Aujourd'hui, nous ne chassons pas des démons comme des exorcistes d'avant la modernité. Mais nous chassons des démons en étudiant la bible avec les gens et en les aidant à se repentir et à être baptisés.

Les disciples pensaient que le nom de Jésus était comme une « marque déposée » et qu'eux seuls pouvaient l'utiliser. Mais ce n'est pas l'Esprit de Jésus. Ce n'est pas grave si d'autres personnes utilisent son nom, car cela peut rendre gloire à Dieu (voir aussi Philippiens 1,18). Mais attention cela n'est vrai que dans le contexte décrit par le passage ou la personne n'est pas hostile et fait du bien.

Ce passage nous pose aussi la question des autres églises et de leur « concurrence »¹. Avec les fidèles des autres églises nous nous battons pour certaines valeurs spirituelles que nous avons en commun. Mais on ne peut nier les différences : la question de savoir si quelqu'un suit Jésus est importante, car ça concerne le salut. La question de savoir si on peut chasser des démons est un autre débat car ce n'est pas parce qu'on fait des miracles et qu'on chasse des démons (ou qu'on fait des disciples) qu'on connait Dieu. C'est très important de toujours ses rappeler cela, c'est un enseignement primordial du Sermon sur la Montagne (Matthieu 7,21-23) :

²¹Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : « Seigneur ! Seigneur ! » qui entreront dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. ²²Beaucoup me diront en ce jour-là : « Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas par ton nom que nous avons parlé en prophètes, par ton nom que nous avons chassé des démons, par ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? » ²³Alors je leur déclarerai : « Je ne vous ai jamais connus ; éloignez-vous de moi, vous qui faites le mal ! »

Chasser les démons est une activité. Certes elle est spirituelle, mais elle ne garantit pas que celui qui la pratique est forcément en relation (verbe connaître) avec Dieu.

En Luc 9 la personne que les disciples ont vu et qui chassait les démons par le nom de Jésus n'était pas hostile. Elle n'avait probablement pas tout compris (en effet on peut se demander pourquoi fait-elle des miracles au nom de Jésus, et le jour ou elle rencontre les disciples du Jésus dont elle utilise le nom, elle ne vient pas avec eux). Alors pourquoi l'empêcher ? Par exemple si nous en avions le pouvoir, pourquoi empêcherions nous les églises évangéliques de chanter (ils le font bien) sous prétexte qu'ils n'ont pas compris le baptême ? De même pourquoi empêcherions nous l'église catholique d'aimer les pauvres (ils le font très biens) sous prétexte qu'ils ne pensent pas comme nous ? A travers cela ils rendent gloire à Dieu. Mais attention rendre gloire à Dieu et être sauvé, ce n'est pas la même chose. Car le salut est une autre problématique.

Par contre les pharisiens qui critiquent ce que Jésus fait quand il chasse les démons, sont hostiles à Jésus et leur action va à l'encontre de ce que Jésus veut accomplir. C'est pourquoi à eux il peut dire quasiment le contraire : Luc 11,23 Celui qui n'est pas avec moi est contre moi, et celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. Nous devons être  contre ce qui va à l'encontre du plan de Dieu et pour ce qui va dans son sens, peu importe qui le fait. Nous avons le devoir de dire que nous ne sommes pas d'accord lorsque quelque chose va à l'encontre de notre théologie (encore faut-il en avoir une qui soit cohérente...). Cela arrive de plus en plus fréquemment dans notre société post-moderne surtout en ce qui concerne les sujets moraux ou idéologiques.

Mais au fond ce qui compte c'est l'éternité. Nous devons faire attention de concentrer nos efforts à construire des choses éternelles. Le séjour des morts ne prévaudra pas sur l'Eglise (Matthieu 16,18). Notre priorité est de construire l'Eglise et nous devons être vigilant à ne pas nous laisser distraire, ni à utiliser nos ressources en entrant dans tous les combats que nous pourrions mener, qui certes sont légitimes, mais pas forcément efficaces ni utiles vis-à-vis de l'éternité. En effet vouloir changer la société sans lui apporter Dieu serait une entreprise vaine, ce serait des coups d'épée dans l'eau, et beaucoup de croyants s'épuisent (et parfois perdent la foi) en voulant aider le monde à changer sans lui demander de se convertir d'abord (cf Matthieu 6,33). Aider ceux qui ne veulent pas d'aide, voilà qui use notre énergie et notre foi.

En conclusion, il est important de différencier « chasser des démons » et « suivre Jésus ». On peut faire l'un sans l'autre. L'idéal est de parvenir aux deux, mais si on doit en privilégier un, c'est « suivre Jésus » car de cette attitude de disciple, il sortira quelque chose d'éternel.

Note