U – L’Europe

La seconde moitié du livre des Actes est presque exclusivement consacrée à Paul. Elle couvre les années 50 à 62.

Actes 15,36-41 – Paul se sépare de Barnabas et s'associe à Silas

Paul et Barnabas décident de retourner voir les frères dans les églises qu'ils ont implantées pour voir où ils en sont. Mais une dispute entre les deux grands amis1 les séparent et modifie les plans : Barnabas retourne à Chypre, son île natale ; Paul repart pour la Syrie (Nord d'Antioche) et la Cilicie (Tarse) sa région natale. Tout n'est pas toujours parfait dans l'église : malgré les défis relationnels, les opinions et même les blessures, construire l’Église reste la priorité.

Selon 1Corinthiens 9,6 Barnabas devait être avec Paul à Ephèse en 56/57 et on retrouve Marc en présence de Paul en Colossiens 4,10 ; 2Timothée 4,11 et surtout Philémon 24. Paul s'est réconcilié avec les deux !

v41 En affermissant les Églises. Paul n'était pas uniquement un missionnaire édificateur, il était aussi un « fortificateur ». Ses lettres montrent en effet qu'il était conscient des batailles spirituelles que les jeunes chrétiens, non juifs de surcroit, devraient affronter par la foi (Éphésiens 6,12).

Actes 16,1-6 – Paul et Silas s'associent à Timothée

Paul revisite Derbé et Lystres où il rencontre Timothée. Il le circoncit (lui-même). Ce qui paraît étonnant quand on pense au chapitre 15 ! Mais Timothée est juif (de par sa mère). En Actes 15, Galates 3 et 4, Colossiens 2, Paul est contre la circoncision des gentils. Mais pas contre celle des juifs contrairement à ce que ses opposants pensaient (Actes 21,21). Pour plus de précision sur le v4 (re)voir annexe 1.

Actes 16,5 – Résumé

Les Églises se fortifiaient dans la foi et augmentaient en nombre de jour en jour. C'est la conclusion de ce que Paul et Silas trouvent dans ces église. C'est là où elles en sont (cf 15,36).

Actes 16,6-10 – l'appel du Macédonien

On ne sait pas comment l'Esprit a fait pour les empêcher d'aller en Asie et en Bithynie, mais l'appel du macédonien, c'est l'appel vers l'Europe ! Certains voient en ce macédonien, Alexandre le Grand (macédonien d'origine) qui avaient conquis le monde militairement et imposé l'esprit grec jusqu'aux extrémités du monde. Ainsi Luc présente Paul comme l'Alexandre spirituel pour conquérir le monde et proposer l'Esprit de Jésus jusqu'aux extrémités du monde.

Actes 16,11-40 – l’Évangélisation de Philippes

La ville de Philippes était nommée ainsi en souvenir du père d'Alexandre le Grand qui avait fortifié la ville et lui avait donné son nom. Néapolis était la ville portuaire de Philippes. Colonie romaine, où vivaient de nombreux soldats romains retraités (v12 et 21). Il n'y avait pas de Synagogue, car il y avait très peu de juifs dans cette ville2. Lydie une femme riche et influente se convertit. Elle sera un soutient pour Paul. Luc montre ainsi le soutient des femmes à l'œuvre de Jésus (cf Luc 8,2-3). Au v16,14 Elle écoutait et le Seigneur lui a ouvert le cœur... C'est l'attitude à discerner chez ceux qui étudient la bible dans un but spirituel (dont nous-mêmes !) : est-ce qu'ils écoutent ? Est-ce qu'ils s'attachent à ce que dit la Bible ? Si c'est le cas, le Seigneur ouvrira leur cœur. Dieu ne fait rien contre la volonté des gens.

La servante a un esprit qualifié de pythique c'est à dire qui peut faire des oracles vis à vis du futur comme l'Oracle de Delphes qui s'appelait Puthô qui veut dire divination. Il y avait un grand respect pour les gens un peu fou dans l'antiquité. On pensait que les dieux avaient enlevé leur esprit pour y mettre un autre esprit permettant de guider les hommes. Paul la libère et cela est mal pris par ses maîtres de la servante. Ils sont furieux de perdre une source de revenu, et accusent les missionnaires de troubles à l'ordre publique. Déranger le monde est un risque à prendre (Matthieu 5,10-12) mais pas à provoquer3 : il faut rester sages et rusés dans ce monde (Matthieu 10,16 ; Luc 16,1-9) comme Paul qui utilisera sa citoyenneté romaine pour calmer le jeu (Actes 16,37) et protéger l'église.

Si on se place du point de vue, du geôlier, cette nuit mémorable commence par deux prisonniers qui arrivent ensanglantés (il lavera leurs plaies au v33) par les coups de bâton (v22-23) et qui doivent être placés en garde rapprochée. Jusque là rien de trop anormal. Sauf que ces deux là, ils chantent leur Dieu ; ils doivent être fous : vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les prisonniers les écoutaient (16,25b). Or les louanges parlent du Christ. Elles sont à elles seules une prédication (Ephésiens 5,19).

Les tremblements de terre ne sont pas si extraordinaires que ça dans cette région mais cette nuit là les portes de la prison s'ouvrent (ce qui rappelle la libération de Pierre en Actes 12). Le geôlier veut se suicider car les deux prisonniers importants qu'on lui a confié ont du s'évader or dans la loi romaine, un geôlier qui avait la garde de prisonniers, devait subir leur sort si ceux-ci s'évadaient. Ce geôlier a un grand sens de la justice. Il aurait pu se sentir sauvé par la présence des prisonniers, mais c'est d'autre chose dot il veut être sauvé maintenant : au lieu de mourir physiquement, il va mourir au péché par le baptême (Romains 6). Remarquable est le mot aussitôt au v33 qui exprime l'importance et l'urgence du baptême.

Remarquons qu'au v16,18 le « nous » s'est arrêté : le narrateur (Luc) n'est pas allé en prison (ni Timothée). Paul quitte Philippes.

Actes 17,1-15 – Thessalonique et Bérée

A Thessalonique Paul selon sa coutume entre dans la synagogue. Il ouvre le sens des écritures4 (17,3). Pourtant il touche plus de craignants-Dieu que de juifs. Et il rencontre une opposition basée sur les mêmes critères que l'opposition qu'a affronté Jésus en Luc 23,1-2. Jason et quelques frères sont mis en « garde à vue » et doivent payer une caution ! Paul s'en va à Bérée où les juifs sont moins querelleurs et plus spirituels : ils ont la béréenne-attitude !! Les juifs de Thessalonique poursuivent Paul qui doit encore fuir jusqu'à Athènes.

Actes 17,16-34 – Athènes capitale mondiale de la philosophie

A Athènes Paul attend Silas et Timothée. Mais l'Esprit lui donne l'occasion de prêcher à un groupe de philosophes épicuriens5 et stoïciens6 qui essaient de classer le discours de Paul dans des cases de leur vision du monde. Le discours de Paul à Athènes est adapté à son auditoire : il se fait savant avec les savants. Mais malgré les précautions prises, la fin du discours sur la résurrection choque les philosophes qui écourtent l'échange (v32). Le succès n'est pas flamboyant, c'est pourquoi Paul écrira plus tard que le monde, par le moyen de la sagesse, n’a pas connu Dieu (…) les Grecs recherchent la sagesse ; mais nous, nous prêchons un Messie crucifié (1Corinthiens 1,21-23).

Les temps d'ignorance dont Paul Parle au v30 c'est le temps de la loi, le temps du premier Testament. Maintenant il n'y a plus d'excuse pour ne pas connaître Dieu (Jean 12,46-48 ; Romains 1,21 ; 2Pierre 3,9-10).

Actes 18,1-18 – Corinthe capitale administrative de l'Achaïe... et de la prostitution sacrée

Paul rencontre Priscille et Aquilas7 et travaille avec eux. Certainement 6 jours sur 7 ! Quand Silas et Timothée le retrouvent, ils arrivent certainement avec de l'argent donné par des églises (notamment celle de Thessalonique : 1Thessaloniciens 3,5-6). Il peut ainsi se consacrer entièrement à la Parole (v5).

La résistance des juifs (v6a), qu'il endure depuis le début de son nouveau voyage finit de le convaincre : il doit se consacrer aux non juifs (v6b)8, qui constituent un peuple nombreux pour Dieu (v10).

C'est étonnant, et pourtant le grand Paul lui-même a peur (v9-10) si bien que l'Esprit doit le rassurer (cf. 1Corinthiens 2,3). Par la suite, la stratégie missionnaire de Paul change. Au lieu d'aller de lieu en lieu très rapidement, il va rester plus longtemps sur place. Paul reste à Corinthe pendant un an et demi soit au maximum jusqu'à l'été 529. L'instruction des gentils est plus longue et plus fastidieuse, car ils doivent tout apprendre : vie (comportement moral) et enseignement (depuis le début !).

Suétone10 parle de « Chrestos » qui serait le leader d'une faction juive et qui provoque des troubles à Rome. Ce qu'il dit sur l'empereur Claude (41-54) montre qu'avant Néron (54-68), les autorités impériales romaines n'ont que faire du christianisme, qu'elles englobent dans le judaïsme. Gallion, comme Claude à Rome, souhaitent que ces juifs s'arrangent entre eux. Ça ne l'intéresse pas d'être arbitre. D'où son indifférence quand Sosthène (qu'on retrouve en 1Corinthiens 1,1 comme co-auteur) se fait battre devant le tribunal. C'est peut-être pourquoi Gallion parle comme il le fait en Actes 18,14-16.

A Corinthe Paul écrit 1Thessaloniciens (et peut-être 2Thessaloniciens11). Ainsi 1Thessaloniciens est le document chrétien le plus ancien12 que nous connaissions (an 51 c'est à dire 20 ans seulement après la résurrection13. Il y parle de l'amour qu'il a pour ses amis chrétiens de Thessalonique, de la pureté sexuelle (1Thessaloniciens 4,1-8)14, de la nécessité de travailler pour ne pas vivre au dépend des autres, de la résurrection des chrétiens décédés, de se préparer pour le retour de Christ.

Actes 18,18-22 – Retour à Antioche (et Jérusalem ?)

Paul passe par Ephèse, Césarée et Jérusalem (l’église de 18,22) puis Antioche, sa base. Il y reste quelque temps, puis repart ; on est en 53 ou 54. C'est probablement à ce moment qu'eut lieu la confrontation avec Pierre dont Paul parlera en Galates 2. Ces 3 versets qui font faire 1500 km à Paul pour le ramener au même endroit (Éphèse : Actes 19,1) font penser qu'en réalité il y eut une deuxième réunion à Jérusalem par rapport aux recommandations sexuelles et alimentaires.

Pour méditer :

- Quelle est mon attitude quand il y a des conflits avec d'autres chrétiens ? Est-ce que je baisse les bras ? Est ce que j'envoie tout balader ? Même Dieu ? Ou est-ce que je garde la foi et la patience qui en découle pour le dialogue ?
- Suis-je préoccupé par l'unité de l'église ? Est-ce que je construit l'unité même en l'absence de menace visible ?
- Est-ce que je me prépare aux épreuves à l'avance dans la prière ? Ou est-ce que je suis pris au dépourvu quand elles me tombent dessus ?
- Quand je chante, est-ce que je fais attention aux paroles ? Est-ce que je prêche lorsque je chante un chant qui parle de Dieu ? Est-ce que je prie lorsque je chante un chant qui parle à Dieu ?

- Comment est-ce que je perçois mes efforts pour convertir les gens ? Comme des outils dans la main de Dieu, ou comme la cause de la conversion des autres ?
- Est-ce que je provoque les gens avec ma foi ? Est-ce que je cherche à être une sorte de martyr ?
- Est-ce que je cherche ceux qui cherchent Dieu ? Où ? Comment ?

 


Notes

(1)
Barnabas est le premier mentor de Paul, ils ont été en mission ensemble... Quelle relation ils devaient avoir !

(2)
Selon la Mishna, pour qu'une synagogue voit le jour il fallait dans une ville au moins 10 hommes juifs ou craignants-Dieu prêts à renoncer au travail pour aller prier le jour du Sabbat.

(3)
Le récit du martyr de saint Polycarpe dit en 156 ap JC : « Aussi n’y a-t-il pas lieu de féliciter ceux qui vont au-devant du martyre ; un tel zèle n’est pas évangélique ».

(4)
Pour Luc ceci est important. C'était ce que Jésus avait fait ente la résurrection et l'ascension (même verbe lié aux écritures et au cœur en Luc 24,6-8, 27, et surtout 45)

(5)
Les épicuriens poursuivaient le plaisir, défini comme l’absence de souffrance, et voyaient le monde comme le résultat des collisions accidentelles entre atomes, donc entièrement gouverné par le hasard. Les épicuriens n'étaient pas nécessairement des joyeux lurons : Epicure lui-même pensait que pour éviter la souffrance il fallait préférer l'ascétisme !

(6)
Les stoïciens pensaient que le monde obéissait à la raison, et donc pour eux les sentiments personnels n’avaient pas de valeur ni d’utilité.

(7)
Priscille est toujours nommée en première en Actes. On a beaucoup spéculé sur la raison qui poussa Luc à mettre L'épouse en première, ce qui ne se faisait pas à l'époque, alors que Paul les cite dans le sens inverse en 1Corinthiens 16,19. Il est vrai que l'ordre des noms dans les liste avait souvent une signification.

(8)
Encore un argument en faveur du dédoublement de la réunion de Jérusalem et d'une datation de Galates aux alentours de 55 (Galates 2,9) - voir note 14

(9)
En été 52 car selon l'inscription de Delphes, Gallion fut pré-consul en Achaïe en 51-52 (l'inscription découverte à Delphes en 1905 situe Gallion proconsul d'Achaïe la 12e année de Claude soit entre mi-51 et mi-52, la charge consulaire durant 1 an). Et probablement en été car si la fête mentionnée en Actes 18,21 est le Yom Kippour celle-ci a lieu fin septembre ou début octobre.

(10)
Suétone (en latin Caius Suetonius Tranquillus) est un auteur romain ayant vécu à cheval sur le 1er et le 2e siècle.

(11)
Si l'on se range derrière les exégètes conservateurs qui ne remettent pas en cause la paternité de de 2Thessaloniciens par Paul.

(12)
Quelques spécialistes pensent que la lettre aux Galates fut écrite avant.

(13)
L'inscription de Delphes situe Gallion proconsul d'Achaïe la 12e année de Claude soit entre mi-51 et mi-52 (la charge consulaire durant 1 an). Ainsi la rencontre entre Gallion et Paul à Corinthe eu lieu à ce moment là.

(14)

Avec les mêmes mots qu'en Actes 15,20,29, il demande aux Thessaloniciens de s'abstenir de l'inconduite sexuelle (1Thessaloniciens 4,3). Ce qui est un argument en défaveur de la séparation des décisions de Jérusalem ! - voir note 8.

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